Black bazar
Un théâtre d’apparitions. Une vie de lueurs, d’éclats d’argent et de volutes de fumée. Aubes et crépuscules reflétés dans un oeil, animal ou humain. Pénombres, lumières tranchantes comme une lame, ou poudreuses comme le sable lancé à la volée par un magicien.
Dans un monde qui semble le nôtre, avec les mêmes rues, immeubles et véhicules, voilà que surgissent des éclairs, des nuées, des fantômes. On dirait qu’un mur a été crevé. Le mur des apparences. Et par une faille, s’engouffre alors un monde mythique, peuplé d’enfants-rois et de héros fatigués. Un quotidien tissé de sortilèges.
La lumière. Qu’elle soit aveuglante, ou sourde au point d’engloutir le monde avec sa disparition. Une lumière qui n’est ni un dû ni une grâce mystique. Mais une raison d’avancer.
Pourtant, la matière de ces photos est sombre, épaisse, presque huileuse. Avant que quelque chose ne perce, éclate, se déploie en zébrant le cadre de la photo. Un clair-obscur fugitif qui traverse l’ombre. Un art de la frontière. En équilibre. Lesté du poids de l’instant.
Le photographe est celui qui réenchante le monde. Ni léger ni futile, il s’épuise à guetter sans cesse. Se salit les mains en fouillant la matière des cités, pour en extraire quelques instants.
Entre foudre et regard sorcier.
Bruno Dubreuil